Forger sa volonté

FORGER SA VOLONTÉ

Lorsque l’on souhaite œuvrer dans ce monde, avoir une bonne intention est une condition nécessaire afin que nos actions soient acceptées par notre Seigneur. Toutefois l’intention ne suffit pas, nous devons agir et nous engager. Pour aller au bout de notre engagement nous avons besoin de volonté et de persévérance.

Les découvertes en neurosciences nous orientent vers des méthodes cognitives en accord avec notre éthique religieuse, notamment au travers de l’exercice des fonctions exécutives. Celles-ci doivent être intégrées à nos pratiques éducatives et surtout lorsqu’il s’agit de forger la volonté de nos jeunes.

Aujourd’hui nous comprenons mieux comment fonctionne le cerveau et cela doit nous amener à mieux éduquer. Autrement dit, nous devons nous appuyer sur les enseignements de notre religion et sur ces connaissances scientifiques pour faire évoluer nos pratiques éducatives.

Ainsi, les fonctions exécutives (ensemble de processus cognitifs de haut niveau qui se développent tout au long de la vie) veillent à la bonne marche et à la régulation des autres fonctions cognitives qui les sous-tendent. Pour simplifier, les fonctions exécutives sont comme un agencement de diverses compétences cognitives dans le but d’atteindre ses objectifs.  C’est dans ce cadre que les scientifiques considèrent que l’entrainement du contrôle inhibiteur est indispensable pour forger sa volonté. En effet, entrainer son inhibition (à tout âge) aide tant dans la vie courante que dans la vie scolaire. Avec une bonne gestion de notre inhibition (aussi appelé self-control) la volonté se renforce.

Sans contrôle inhibiteur, point de volonté. Une personne sans contrôle inhibiteur c’est un bateau sans gouvernail, la personne se laisse porter de distraction en distraction, fait preuve d’impulsivité. Le contrôle inhibiteur c’est la capacité à faire abstraction des distractions et donc à porter son attention sur un objectif précis.

Chez le jeune enfant, le parent favorise le développement du contrôle inhibiteur à travers l’apprentissage de l’autonomie et la mise en place de routines à respecter, comme lorsqu’on demande à l’enfant de ranger correctement ses affaires, de laver sa vaisselle, de faire son lit, etc. Toute activité qui nécessitera de contrôler ses impulsions et qui demandera de la concentration, permettra de développer le contrôle inhibiteur.

Notre religion nous apprend à réfréner certaines pulsions, et ce dès notre plus jeune âge. L’on peut voir les résultats de ce type d’éducation dans certaines cultures asiatiques dont la tradition culturelle met l’accent sur la discipline et le self-control. On retrouve chez les enfants asiatiques un niveau d’autonomie plus important que chez les enfants du même âge en occident. Les traditions culturelles de la Chine, ainsi que celles d’autres pays asiatiques encouragent à la maîtrise de soi et la discipline.

En psychologie, l’inhibition comportementale s’illustre souvent par le célèbre test du marshmallow mis au point par Mischel (en 1972) : plus l’enfant est capable de résister à la tentation de manger une guimauve posée devant lui, plus il maitrise son impulsion, plus il s’engagera volontiers dans un cursus d’études supérieure à l’âge adulte. Il existe un lien causal attesté entre un bon contrôle inhibiteur précoce et une réussite sociale, professionnelle de l’individu, présenté dans cette étude (Mischel, 1972).

À travers cette expérience assez connue en psychologie, on peut faire émerger quelques règles éducatives qui développeront chez l’enfant le self-control. Par exemple, on peut l’aider à attendre son tour lorsqu’on joue avec lui, ne pas satisfaire à ses envies immédiatement, lui apprendre à patienter en lui donnant un indice clair « je jouerai avec toi quand j’aurais terminé la vaisselle » etc.  On peut l’aider à mieux tolérer la frustration en lui expliquant clairement les limites et en ne cédant pas à toutes ses demandes et s’il se met en colère on l’aide à se calmer.

L’inhibition ou le self control, permet donc à l’enfant, comme à l’adulte, d’ajuster son comportement afin de s’adapter aux différentes situations de la vie courante. Par opposition, l’impulsivité correspond à l’incapacité d’un individu à s’autoréguler et à différer ses réactions.

Les recherches en psychologie ont également montré que la volonté agit comme un muscle : elle se fatigue quand on en fait un usage trop intensif, mais elle peut aussi se développer quand on l’exerce.

En grandissant, nous devons continuer à exercer notre volonté pour atteindre nos objectifs.

Nous l’avons vu précédemment, la discipline forge la volonté et la pratique cultuelle impose une discipline quotidienne qui participe à forger cette volonté qui nous fait tant défaut.

Prenons l’exemple de la prière : prescription divine qui purifie l’âme du fidèle, la prière est une glorification du Seigneur et Créateur, une sollicitation de la bénédiction divine, mais aussi un moyen de communication avec Le Très Haut. Lorsqu’elle est exécutée avec recueillement, elle éduque l’âme et elle constitue un système efficace pour aiguiser la fermeté de la volonté et se libérer des distractions environnantes. La prière établit non seulement une connexion avec notre Créateur, mais elle établit également une méthodologie qui a pour objectif l’éducation de l’homme et sa préparation à la vie dans le bien et la droiture.

Par ailleurs, notre contexte moderne nous permet d’être confortablement installés, nous vivons dans un certain confort et un cadre de facilité (absolument tout est accessible et à notre portée). Dès lors, notre volonté s’amenuise assez rapidement car nous avons à faire peu d’efforts pour obtenir ce que l’on veut.  C’est pourquoi la volonté doit être régulièrement entrainée et cela demande quelque peu d’abnégation.

Celui ou celle qui veut devenir un homme ou une femme qui agit, qui œuvre, qui surmonte les difficultés rencontrées a tout intérêt à se forger une volonté ferme.

Un amiral américain, William Mc Raven, assez connu car l’un des plus décoré aux États-Unis, avait adressé un discours en 10 leçons pour changer le monde, à des étudiants diplômés du Texas. La première leçon qu’il leur donna est « si vous voulez changer le monde, commencez par faire votre lit. » Il explique que cette tâche ordinaire, simple, sans importance pour un soldat en formation qui aspire à devenir un vrai combattant des forces spéciales, était pour lui pleine de sagesse. Par ce geste simple, chaque matin, il accomplissait à la perfection sa première tâche de la journée, cette tâche l’encourageait à la suivante, et ainsi chaque petite chose de la vie quotidienne qu’il entreprenait devait être faite à la perfection et lui permettait de rester persévérant.

De cette manière, demander aux jeunes de participer aux tâches de vie du foyer, participe à forger leur volonté. Il s’agit ici d’exercer la volonté à faire bien et à faire jusqu’au bout ce que l’on doit faire, et ne surtout pas faire à la place du jeune. S’il n’y arrive pas, alors il faut lui montrer ce que l’on attend de lui, et l’accompagner jusqu’à ce qu’il devienne autonome et responsable de son espace.

Garder sa chambre propre et rangée, faire ses devoirs de classe avec sérieux et sans les bâcler, s’engager dans ses entraînements sportifs avec ardeur … Le quotidien d’un jeune est un champ infini d’entrainement pour exercer et forger la volonté. Les parents seront exigeants et attentifs au moindre détail.

Une autre mauvaise habitude qui nuit à la volonté est celle de reporter à plus tard ce que l’on peut faire tout de suite. Aujourd’hui 85% des Français se disent touchés par la procrastination et cela atteint 92% des 18-24 ans… La procrastination est un réel fléau contre lequel la société tout entière recherche des solutions (il faut dire qu’elle nuit grandement à la sacro-sainte productivité mais c’est un tout autre sujet).

Un des meilleurs remèdes à la procrastination reste le réveil pour la prière du Fajr.  Qui au moment du réveil pour la prière ne s’est pas dit en son for intérieur « Allez …  encore 5 petites minutes » …  Mais ces 5 petites minutes sont fatales ! Au mieux elles se transforment en 10, 15 ou 20 minutes mais bien souvent elles nous font manquer la prière ! Tandis que lorsqu’on s’habitue à immédiatement poser son pied à terre, dès que le réveil sonne, on forge notre volonté, on s’éduque à ne pas procrastiner, et cela se répand dans notre vie comme une onde positive.

Une autre approche serait également de se lancer de petits défis : le meilleur exemple est le sport. Nous connaissons tous quelqu’un dans notre entourage qui s’est remis au sport après une très longue pause et qui était incapable de courir 5 min en débutant. Mais en persévérant on voit cette personne arriver à des résultats vraiment impressionnants !

On peut faire de même avec d’autres aspects de sa vie : augmenter graduellement son temps ou sa quantité de lecture, augmenter progressivement la quantité de mémorisation du coran, etc. Tous ces petits défis forgent la volonté et permettent par la suite de développer la persévérance et le goût de l’effort.

Une autre pratique spirituelle qui exerce le contrôle inhibiteur et forge une volonté d’acier est le jeûne. Les bienfaits du jeûne sur notre organisme ne sont plus à démontrer. Cette pratique cultuelle comporte plusieurs degrés et plusieurs dimensions que nous évoquerons sûrement dans un autre article.  Retenons simplement que le jeûne constitue une abstention de satisfaire certains désirs, en cela cette pratique éduque l’âme du croyant et le libère des chaînes de la consommation et du matérialisme et lui permet de se forger une volonté trapue et solide.

Enfin, le dernier conseil que je pourrais vous transmettre afin d’exercer sa volonté, est de limiter son temps d’écran. Eh oui ! Les écrans, ces éternels coupables, augmentent notre tendance à la procrastination. Qui ne s’est pas surpris à faire défiler son fil d’actualité Facebook pendant des heures ou à regarder vidéo après vidéo inutiles sur YouTube … Que de temps perdu ! Combien de fois s’est-on dit « allez encore une dernière vidéo » mais une heure après nous sommes encore et toujours en train cliquer sur la vidéo suivante… Tout cela n’est pas sans conséquence sur notre cerveau humain (quel que soit notre âge). Le temps passé devant les écrans nous plonge dans une passivité néfaste et augmente notre propension à la procrastination. Limiter son temps d’écran (tous type d’écrans, y compris la tv) avec fermeté, permettra également d’exercer et de raffermir sa volonté.

En définitive, la pratique cultuelle éduque le croyant au travers une méthode scientifique très précise. Les actes d’adoration, par lesquels l’Homme vise une proximité divine, permettent une éducation spirituelle et une éducation de l’âme, qui impactent le croyant dans tous les aspects de sa vie. Pour la saine formation de l’Homme et pour le guider vers l’action constructive, la méthode divine est bâtie à la perfection et de sorte à développer sa volonté et sa persévérance. C’est pourquoi les adorations, et notamment la prière, constituent la pierre angulaire de la vie de tout musulman.

Meriem E.

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