Nous avons précédemment traité les enseignements des ayah 12 à 16 de la sourate Luqman, dans cet article nous étudierons la suite de ces magnifiques conseils que Luqman donne à son fils et raconté dans les ayah 17 à 19 de notre Coran.
يَا بُنَيَّ أَقِمِ الصَّلَاةَ وَأْمُرْ بِالْمَعْرُوفِ وَانْهَ عَنِ الْمُنكَرِ وَاصْبِرْ عَلَى مَا أَصَابَكَ إِنَّ ذَلِكَ مِنْ عَزْمِ الْأُمُورِ
O mon enfant accomplis la Salât, commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans toute entreprise!
Vient ensuite l’enseignement de la prière. L’enseignement de ce pilier, de cette adoration fondamentale, arrive chronologiquement après l’unicité, la gratitude, la conscience divine, nous montrant ainsi qu’il y a un cheminement à suivre : l’accomplissement du rite n’a de sens qu’avec une éducation spirituelle.
Accomplir la prière est un acte de foi, une obligation pour laquelle nous serons interrogés et jugés. Si elle est accomplie correctement, le reste des œuvres suivront, si elle est altérée, le reste des œuvres le seront. La délaisser est une outrance et un acte de mécréance. Par conséquent, en tant qu’éducateur, nous devons porter une attention accrue à la transmission de ce rite qui devra être observer assidûment par nos enfants. Elle sera ainsi une lumière dans leur cœur et une porte de secours le jour de la Résurrection.
La transmission de la prière est souvent ce qui demande le plus d’efforts aux parents, voici quelques modestes conseils pour nous y aider.
Notre Prophète ﷺ a dit : « Ordonnez la prière à vos enfants lorsqu’ils ont sept ans, et corrigez-les (s’ils ne la font pas) à dix ans » (Hadith rapporté par Abu Dawud).
Enseigner l’accomplissement de la prière dans son temps, commence dès le plus jeune âge, dès la tendre enfance, avant sept ans en réalité.
Comment ? Et bien nous l’avons vu précédemment au travers des conseils de Luqman à son fils : montrer l’exemple, nouer une relation basée sur l’amour et la confiance, éveiller la foi de l’enfant, lui faire aimer Allah et Son Prophète ﷺ.
Aussi, très jeune, l’enfant voit son parent prier à l’heure, il le voit mettre ce rite au cœur de sa vie, il en ressent l’importance, il baigne dans une ambiance pieuse et s’en imbibe. Si la prière n’a aucun impact dans la vie des parents, il sera difficile pour l’enfant de comprendre l’intérêt de cette adoration.
Puis, entre sept et dix ans, le parent dispose de trois années pour enseigner l’accomplissement de la prière. On voit bien que cela demande de la patience et de l’endurance de la part du parent. On comprend aussi que l’enseignement de la prière se fait progressivement, loin de l’urgence et des tensions entre l’enfant et son parent. Pendant ces trois années, il faut y aller progressivement en adaptant le rythme selon son enfant. Si le travail a bien été fait avec l’enfant en amont, il sera plus naturel de lui enseigner ce rite dès sept ans. Pendant ces trois années le parent aura chaque jour l’opportunité d’enraciner ce rite dans le cœur de son enfant. Le processus ne doit donc pas être vécu avec stress, bien au contraire. Progressivement, il faut plonger son enfant dans l’ambiance des adorations et faire de la prière une habitude.
Notre challenge aujourd’hui est de faire aimer la prière à nos enfants, tout en évitant de tomber dans le contrôle. Lorsqu’on débute l’apprentissage de la prière, il est préférable d’être dans une posture d’invitation. Rappelez-vous de l’exemple du Prophète ﷺ avec les enfants ; il commençait toujours ses enseignements en leur témoignant son affection, par un geste ou une parole bienveillante, avant de transmettre. Et Luqman ici invite son enfant à la prière en répétant l’expression affective « Ô mon cher enfant, accomplis la salât » qu’il répète pour la seconde fois.
Par exemple, il est l’heure de Dhohor, plutôt que d’être dans le conflit avec son enfant, « as-tu prié ?! » ou d’user d’une injonction « Va prier ! », invitez l’enfant à vous rejoindre pour prier avec vous et à partager ce moment de paix et de joie. Plus tôt vous formerez votre enfant au bien et aux bonnes habitudes, plus il lui sera facile de continuer à agir ainsi.
Abdallah Ibn Masoud disait « Prenez soin de vos enfants et apprenez-leur la prière. Et accoutumez-les à faire le bien, car faire le bien est une habitude. »
Le Prophète ﷺ conseillait d’apprendre aux enfants à prier « dès qu’ils distinguaient leur main droite de la gauche » (rapporté par Abou Dawud).
Par ailleurs, il faut être conscient que la négligence des parents dans l’accomplissement de la prière constitue un frein pour l’enfant qui voit ses parents prier le Sobh une fois réveillés, après son temps, ou qui les voit rattraper toutes les prières le soir…
Le changement passe d’abord par nous. S’accrocher à sa prière permettra d’y accrocher nos enfants.
Tout commence toujours par l’exemple que l’on donne ET par l’invocation. Notre prophète Ibrahim, que la paix soit sur lui, invoqua Allah dans ces termes :
رَبِّ اجْعَلْنِي مُقِيمَ الصَّلَاةِ وَمِن ذُرِّيَّتِي رَبَّنَا وَتَقَبَّلْ دُعَاءِ
« Ô mon Seigneur! Fais que j’accomplisse assidûment la Salât ainsi qu’une partie de ma descendance; exauce ma prière, ô notre Seigneur! » (Sourate Ibrahim, Ayah 40)
C’est un verset qu’il faut dire et répéter.
Nous nous devons d’invoquer Allah dans cette mission longue et difficile de transmission, car sans Son assistance, point de réussite.
Si le parent accomplit la prière avec plaisir et enthousiasme, l’enfant le ressentira. En revanche, si le parent l’accomplit avec fainéantise et indolence, elle sera perçue par l’enfant comme un fardeau.
Quand l’enfant constate que le parent organise sa vie pour ne manquer aucune prière, qu’il ne va au restaurant qu’après avoir accompli sa prière ou qu’il ne sort qu’entre deux prières pour ne pas les manquer, il intègrera l’importance de prier dans son temps.
Une autre des erreurs que peuvent commettre les parents est de surprotéger l’enfant et particulièrement quand il s’agit d’accomplir la prière. Nombre de parents estiment que leur enfant est encore trop jeune pour se lever prier la nuit, ou qu’il risque d’être fatigué pour l’école s’il dort tard pour prier El Ichaa ou bien s’il se lève tôt pour prier Al Fajr.
Mais quels sacrifices cet enfant sera prêt à faire pour préserver sa religion ? Comment un enfant surprotégé de la sorte sera en mesure d’affronter la moindre difficulté ?
Ibn Al Qayyim dans son livre « les préceptes islamiques relatifs au nouveau-né » nous dit :
« Il (le tuteur de l’enfant) doit également le mettre à l’abri de la paresse, du désœuvrement, de la facilité et de l’oisiveté et l’inciter plutôt à adopter une attitude opposée. Il ne lui procure le repos que parce qu’il va continuellement l’occuper physiquement et mentalement. La paresse et le désœuvrement ont des conséquences fâcheuses et entraînent des regrets amers, tandis que l’effort et la peine ont des conséquences louables, soit ici-bas, soit dans l’au-delà, soit dans les deux réunis : le plus oisif sera le plus fatigué et vice-versa. La suprématie ici-bas et le bonheur dans l’au-delà ne s’acquièrent qu’après un rude effort. Yahya Ibn Kathir a dit : ” On n’acquiert pas la connaissance par l’indolence”.
On doit aussi l’habituer à se lever (pour prier) dans la dernière partie de la nuit, car c’est à cette heure que se fait le partage des butins et la distribution des prix. Il y en a qui ont une petite part, certains une grande et d’autres en sont totalement privés. S’il prend cette habitude étant petit, il lui sera facile une fois devenu adulte. »
Dans la Sourate Al Balad, Ayah 4, Allah nous dit : « Nous avons certes créé l’homme pour une vie de lutte ». Ibn Abbas commente ce verset en disant que « l’Homme depuis sa naissance jusqu’à sa mort, est en lutte permanente ». Il est donc nécessaire d’éduquer son enfant à l’effort, à lutter et à endurer les épreuves « et endure ce qui t’arrive avec patience » dis Luqman à son fils.
Habituer et ancrer la prière dans le cœur des enfants en faisant de nos foyers des lieux de prière, et ainsi former et habituer l’enfant aux adorations de façon plus générale, avant sa puberté. Voilà notre mission éducative, pour laquelle nous serons récompensés, que nous réussissions ou non, car nous serons jugés sur nos efforts et non sur les résultats.
Après la prière, Luqman exhorte son fils à l’action « commande le convenable, interdis le blâmable et endure ce qui t’arrive avec patience »
Dans la sourate Ali Imran, Ayah 110, Allah nous dit :
« Vous êtes la meilleure communauté, qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous ordonnez le convenable, interdisez le blâmable et croyez à Allah. »
Le fait d’ordonner le bien et d’interdire le mal fait partie des plus belles fonctions de la communauté musulmane. Commander le convenable, condamner le blâmable est une noble mission que nous a prescrit Allah, et fait de notre communauté la meilleure communauté lorsqu’elle assume cette grande tâche. Quand il ne se trouve personne pour assurer ce rôle, l’injustice et la corruption se généralisent et les transgressions se multiplient dans le silence.
Cette grande et noble mission est difficile, elle fait endurer peine et difficultés et Luqman en est conscient, ainsi il encourage son fils à endurer ce qu’il lui arrive avec patience, afin qu’il reste ferme devant les nuisances qu’il rencontrera certainement.
Après avoir ordonné à son fils la prière, Luqman inscrit donc tout de suite celle-ci dans l’action : élever un enfant qui sera sociable, qui appellera au bien, qui refusera et dénoncera l’injustice.
Luqman presse son fils à ne pas rester passif, à ne pas se complaire dans sa spiritualité seul, mais plutôt à agir pour des causes, à inciter les autres à s’engager sur le droit chemin, à délaisser les mauvaises actions, et à être utile pour la société. Et il convie certes son fils à la patience et à l’endurance, mais aussi à la résolution et à la fermeté dans toute action qu’il entreprend.
Une parole prophétique illustre très bien cette idée « Le croyant qui fréquente les gens et endure et patiente face à leur mal, est meilleur que celui qui ne fréquente pas les gens et ne patiente pas face à leur mal » (rapporté par Al Bukhari).
Dans la ayah suivante Luqman continue ainsi :
وَلَا تُصَعِّرْ خَدَّكَ لِلنَّاسِ وَلَا تَمْشِ فِي الْأَرْضِ مَرَحًا إِنَّ اللَّهَ لَا يُحِبُّ كُلَّ مُخْتَالٍ فَخُورٍ
«Et ne détourne pas ton visage des hommes, et ne foule pas la terre avec arrogance: car Allah n’aime pas le présomptueux plein de gloriole. »
Luqman enseigne à son fils à ne pas se détourner des gens, donc à maintenir des relations sociales, mais il l’invite à agir avec finesse, avec humilité et modestie. Il lui souligne l’importance de rester humble.
Avoir confiance en soi est une bonne chose, mais se surestimer ne l’est pas et mène à l’orgueil. Il est bon de féliciter son enfant lorsqu’il accomplit quelque chose de bien, mais il ne faut pas le comparer et le placer au-dessus des autres au risque qu’il devienne narcissique et imbu de sa personne.
وَاقْصِدْ فِي مَشْيِكَ وَاغْضُضْ مِن صَوْتِكَ إِنَّ أَنكَرَ الْأَصْوَاتِ لَصَوْتُ الْحَمِيرِ
« Sois modeste dans ta démarche, et baisse ta voix, car la plus détestée des voix, c’est bien la voix des ânes».
Enseigner la modestie et l’humilité est un principe essentiel. Luqman invite son fils à marcher modestement, à ne pas se croire supérieur.
Dans plusieurs versets Allah nous évoque la démarche comme le miroir de la personnalité. Il dit également dans la sourate 25, ayah 63 « Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur terre ». Ou encore dans sourate Al Isra, ayah 37 « Et ne foule pas terre avec orgueil : Tu ne sauras fendre la terre et tu ne pourras atteindre la hauteur des montagnes ».
Il est naturel donc que Luqman conseille son fils à rester humble, à adopter une démarche modeste, teintée de quiétude et de douceur.
Comment enseigner la modestie de nos jours… Nous rencontrons de plus en plus d’enfants de dix ou onze ans arrogants, qui s’attendent à ce que les adultes les considèrent comme des êtres exceptionnels…
Ces dernières années, les parents ont été encouragés à céder aux désirs des enfants, à les féliciter généreusement même s’ils n’ont rien fait qui le mériterait et à ne pas les punir ou les réprimander… Tout cela dans le but qu’ils développent une saine estime de soi.
Et ce mouvement en faveur de l’estime de soi a créé des enfants narcissiques. Ces enfants toujours complimentés, grandissent sans être préparés aux déceptions, aux critiques, aux échecs.
Pour que nos enfants développent une réelle confiance en eux, ils doivent acquérir des compétences, les exercer et les perfectionner, et l’éducateur tant le parent doivent adopter une posture d’encouragement mais aussi poser un regard de vérité sur l’enfant afin qu’il se corrige. Nous devons également enseigner aux enfants l’importance de se soucier de l’autre car cela réclame humilité.
Félicitez votre enfant lorsque c’est vraiment mérité et réprimandez-le lorsque cela est nécessaire, voilà ce qui l’aidera à grandir et à se construire de façon équilibrée.
Céder à ses caprices ne le préparera pas aux réalités de la vie. Apprenez-lui plutôt l’importance d’avoir un budget à ne pas dépasser, à respecter le cadre que vous lui aurez posé, aidez-le à surmonter ses déceptions par des conseils.
La modestie se traduit également par une invitation à baisser la voix. Baisser la voix est une preuve de confiance en soi, un signe d’apaisement et de véracité dans les propos et le signe d’une bonne éducation. Élever la voix est ici comparé au cri de l’âne, qui est le cri le plus détestable.
Ainsi se termine les recommandations de Luqman à son fils. Ces recommandations, ces ayahs, nous donnent une méthode, un cheminement clair dans l’éducation, un ordre bien établi : donner l’exemple, nouer un lien d’amour et de confiance, ancrer l’unicité d’Allah, enseigner les adorations, devenir socialement actif, éduquer aux bons comportements et mettre en garde contre les mauvais.
Meriem
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