«Laisse-moi vivre ma jeunesse ! »

Assalam alaikoum wa rahmatoullah,

Si nous nous retrouvons aujourd’hui, c’est pour parler d’un sérieux problème, pour ne pas dire un véritable fléau, qui sévit au sein de notre génération.

Une phrase, a priori anodine, revient bien trop souvent dans les conversations, s’adressant aux rares ayant le bon sens et le courage de faire un  rappel lorsque le besoin s’en fait sentir…

 » Tu as raison, mon frère/ma soeur…mais je suis jeune, laisse-moi profiter ! »

Profiter…Une drôle de manière de voir les choses quand on pense au fait que la jeunesse est tout justement la période de notre vie où nous sommes les plus productifs ! Au-delà de la force physique et de la santé, florissantes à cet âge-là, la jeunesse a bien d’autres qualités pour elle, aussi importantes si ce n’est plus que celles déjà mentionnées : la fougue et l’ambition.

A notre âge, nous n’avons pas forcément conscience des difficultés du monde dans lequel nous vivons, de l’état de la communauté, ni de tout ce que le combat pour une cause implique…Cela n’est pas forcément une faiblesse, bien au contraire : parfois, le fait d’ignorer les barrières est le meilleur moyen de les abattre !

C’est pourquoi les parents conscients cherchent-ils à développer de nombreuses qualités chez leur progéniture depuis la prime jeunesse, telles que le sens des responsabilités, la force spirituelle, la capacité à gérer ses émotions…S’il est normal que ces compétences-là ne soient pas totalement acquises au stade de jeune adulte, le fait de les cultiver le plus tôt possible ne peut être que bénéfique. Et si cela n’a pas encore été fait durant l’enfance, il n’est jamais trop tard : au contraire, la jeunesse est aussi l’occasion d’explorer des sentiers jusque-là inconnus !

Donc non, la jeunesse n’est pas synonyme de liberté abusive, de relâchement de soi et de perte de temps. Si seulement ceux qui adhéraient à cela savaient ce qu’ils perdaient…Une notion que notre Prophète (pbsl) a si bien clarifiée :

عن عبدالله بن عباس رضي الله عنهما قال النبي صلّى الله عليه و سلّم : نعمتان مَغْبُون فيهما كثير من الناس : الصحة والفراغ
(رواه البخاري في صحيحه رقم ٦٤١٢)

 D’après ‘Abdallah Ibn ‘Abbas (qu’Allah les agrée lui et son père), le Prophète (que la prière d’Allah et Son salut soient sur lui) a dit: « Il y a deux bienfaits à propos desquels beaucoup de gens sont perdants : la santé et le fait d’avoir du temps libre».
(Rapporté par Boukhari dans son Sahih n°6412)

Or, la santé et le temps libre ne sont-ils pas les deux choses dont nous disposons essentiellement durant la jeunesse ?

Certes, nous ne sommes pas les seuls responsables de cet état de nous-mêmes : le développement des réseaux sociaux, les conditions sociales de plus en plus compliquée, la montée des violences et un système éducatif en chute libre y sont assurément pour quelque chose. Mais il n’en demeure pas moins que nous sommes dotés d’une raison et surtout d’une foi nous donnant tous les outils pour provoquer un éveil…Nous représentons la communauté du futur, et le secours ne tombera pas du ciel. Allah ne change pas un peuple avant qu’ils aient changé ce qu’il y a en eux-mêmes…

Après avoir évoqué tout cela, sur quoi peut donc bien tenir la fameuse théorie selon laquelle la jeunesse est le meilleur moment pour expérimenter toutes les erreurs possibles et imaginables ? Pire encore, la fameuse « adolescence » constitue désormais une excuse aux écarts, les enfants sont élevés dans l’idée que les adolescents sont insupportables et que plus tard, ils leur seront semblables. On pourrait presque dire que l’on nous prédispose à cela !

Or, aussi alléchante que soit cette perspective, elle lie incontestablement le développement du jeune adulte à la notion d’échec. Ce qui explique sans doute les statistiques effarantes de dépressifs et de suicidaires chez les adolescents, qu’Allah leur vienne en aide… En effet, d’après l’Organisation Mondiale de la Santé :

  • À l’échelle mondiale, un jeune âgé de 10 à 19 ans sur sept souffre d’un trouble mental, ce qui représente 13 % de la charge mondiale de morbidité dans cette tranche d’âge.
  • La dépression, l’anxiété et les troubles du comportement sont parmi les principales causes de morbidité et d’invalidité chez les adolescents.
  • Le suicide est la quatrième cause de mortalité chez les jeunes âgés de 15 à 19 ans.

Ces statistiques concernent bien une jeunesse « profitant » au maximum de la vie, plus que jamais dans l’histoire : entre libération individuelle et concept de « l’enfant roi », les jeunes adultes connaissent de moins en moins la contrariété dans nos pays occidentaux, et le mot contrainte semble, pour beaucoup, avoir été banni de leur dictionnaire.

Alors….Comment se fait-il que le nombre de perturbés psychologiques et de suicidaires ne cesse d’augmenter ?

Tout simplement car notre génération ne « profite » pas, en réalité. Nous ne profitons pas des soirées où pleuvent alcool et drogue, nous ne profitons pas de la surconsommation à laquelle nous incitent les réseaux sociaux,  nous ne profitons pas des relations amoureuses à tout va, changeant de partenaire à chaque accroc…

Contrairement aux sociétés antérieures, les filles n’ont plus de restrictions liées à la pudeur, mais elles souffrent des diktats esthétiques d’une société qui les étouffe, cherchant à plaire toujours plus tandis que leur coeur finit brisé. Il en est de même pour les garçons, contraints d’enchaîner les conquêtes pour des raisons de popularité, même si cela ne les attire nullement, victimes d’une idée malsaine de la virilité impliquant que l’on est un « vrai homme » qu’en se jetant dans les situations les plus avilissantes.

Bien au contraire, notre santé mentale en souffre, notre ego ne fait que se développer au détriment de notre intelligence, nous épuisons notre force pour des futilités et nous trouvons pris dans un tel tourbillon que notre propre objectif de vie semble encore plus flou que les intentions de ceux qui nous ont mis dans cet état. Sans parler de l’individualisme ambiant…

Donc non, profiter ne nous rend pas heureux. Objectivement.

Même si c’est ce à quoi on nous a toujours incités…Celui qui répond « laisse-moi profiter ! » après que tu lui aies fait un rappel ne se rend pas compte qu’il ne fait qu’obéir à une légende selon laquelle bonheur rime avec irresponsabilité, et que ce chemin ne le mènera nulle part si ce n’est à de sérieux problèmes.

Et si nous étudions le cas inverse ? Qu’en est-il de ces compagnons (qu’Allah soit satisfait d’eux) qui se battaient à quinze ans lors de batailles aux côtés du Prophète (pbsl) ? Qu’en est-il d’Oussama ibn Zayd, commandant d’une armée de conquête à dix-huit ans ?

Eux vivaient un bonheur tel, que mourir à un si jeune âge ne les effrayait pas…

Eux seuls peuvent prétendre avoir « profité » réellement, car leur profit résidait dans le fait de côtoyer le Prophète (pbsl) et de se sacrifier pour leur cause. Ils étaient heureux, tout simplement car ce bonheur-là était dans leur nature même. Leur foi faisait partie d’eux.

Aujourd’hui, la notion de bonheur est liée à une reconnaissance sociale, à un niveau de vie…Parfois, nous avons l’impression que l’obtention du dernier vêtement à la mode suffira à nous rendre heureux. Jusqu’à ce que l’on se lasse, bien entendu…Or, logiquement, le bonheur devrait être la seule chose dont on ne peut se lasser. Mais il ne peut dépendre de choses si extérieures à nous-mêmes…

Chaykh al-Islam ibn Taymiyya (qu’Allah lui fasse miséricorde) fut emprisonné durant de nombreuses années de sa vie. On retint cette phrase de lui : « ils peuvent m’enfermer, mais ils ne m’enlèveront jamais mon bonheur… Car mon paradis est dans mon coeur ! »

Et lorsque l’on parle du coeur, on ne parle pas de notre orgueil, ou de la sensation agréable d’un plaisir passager…Mais bien d’une foi que l’on a pleinement adoptée, avec ferveur et conviction, conditionnant nos actions et insufflant un sens à tout ce que l’on fait. Un sens lié à la souveraineté de notre seul Maître.

Alors pour finir, voici un petit mot que j’adresse à tous ceux qui souhaitent profiter de leur jeunesse : tu es jeune, tu es fort, tu as la raison et les capacités d’être enfin utile aux autres et à toi-même…Tu as quitté le stade de l’enfance, celui où tu ne répondais point de tes actes. Une responsabilité t’incombe désormais, et elle n’est nullement synonyme d’ennui ou de malheur, contrairement à ce que l’on voudrait te faire croire.

La longue période que sera celle de jeune adulte, tu ne peux pas, rationnellement, la perdre en futilités que tu regrettes toi-même par la suite…Et cela n’est pas si dur qu’il y paraît, bien au contraire. On y prend goût tellement vite….On prend goût au fait de se sentir vivre pour notre foi,  en tant que serviteur de Celui qui nous as créés.

Pourquoi ? Parce qu’il n’est pas de sensation plus incroyable que celle de sortir de l’obscurité vers la lumière

Inès G.

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