
Dans un contexte de stigmatisation croissante, la peur devient un outil politique redoutablement efficace : elle isole, fait taire, désarme. Pour beaucoup de musulmans en France, cette peur n’est pas une abstraction : elle est quotidienne, intériorisée et pesante. À travers cette réflexion, une voix musulmane explore les mécanismes de cette peur, ses racines sociopolitiques, ses effets spirituels, et les ressources que l’islam offre pour la dépasser — sans naïveté, sans reniement, et sans compromis sur la justice.
La peur qui fige : sidération collective
On parle souvent, en France, d’un « climat délétère ». Une formule peut-être trop neutre pour désigner une réalité chaque jour un peu plus oppressante. Car il ne s’agit plus seulement d’un climat, mais d’une mécanique bien huilée de pression, de soupçon, voire d’intimidation, qui cible de plus en plus explicitement les musulmans de ce pays.
Il suffit d’observer.
L’acharnement politico-médiatique est permanent. Des plateaux télé aux tribunes de presse, la figure du musulman est scrutée, suspectée et instrumentalisée. Les structures éducatives, culturelles ou associatives sont dans la ligne de mire. Pour exemple, le lycée Averroès à Lille a vu son contrat d’association rompu, sur fond d’accusations floues. Il a fallu une décision de justice pour rappeler que la procédure était juridiquement bancale et entachée d’irrégularités.
En 2020, Le CCIF, qui documentait les actes islamophobes, a été dissous — une décision vivement critiquée par Amnesty International, Human Rights Watch ou le Conseil de l’Europe, qui y ont vu une atteinte grave à l’État de droit. [1]
Partout, les fermetures se multiplient. Établissements, associations, librairies, centres culturels : tout ce qui évoque de près ou de loin un islam « engagé » est menacé. [2]
À la rentrée 2023, une circulaire interdit aux jeunes filles de porter des robes longues dans les établissements scolaires, sous prétexte qu’il s’agirait de signes religieux (abaya). La mesure est appliquée de manière arbitraire, humiliante parfois, jusqu’à l’exclusion temporaire de certaines élèves, dont les témoignages peinent à émerger dans l’espace médiatique.
Dans le domaine sportif, le port du voile continue d’alimenter un débat récurrent, où le corps des femmes musulmanes devient un champ de bataille idéologique. En 2022, Salimata Sylla, basketteuse voilée, est exclue de compétitions en France, alors même que les règlements internationaux ne l’interdisent pas. En 2024, une proposition de loi votée au Sénat — et en attente d’examen à l’Assemblée — vise à interdire le hijab dans les compétitions sportives.
Même les événements culturels ne sont pas épargnés. Le salon “Aux Sources” à Meyzieu, au printemps 2025, a été interdit par arrêté municipal, avant que le tribunal administratif n’annule cette décision, au motif qu’elle portait « une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales ».
À cette longue liste de restrictions s’ajoute également la criminalisation rampante de l’expression de solidarité envers la Palestine — une cause certes marginale dans les programmes politiques français, mais qui demeure, pour une large partie des musulmans, une cause profondément symbolique, centrale, où se croisent un impératif de justice, la mémoire des luttes anticoloniales, l’universel, et un sentiment d’appartenance à une communauté humaine plus vaste.
Dans ce contexte, la position de la France sur le conflit israélo-palestinien est perçue comme ouvertement favorable à Israël, s’inscrivant dans le fil droit d’une islamophobie d’État qui oppose systématiquement les « Israéliens juifs » aux « Palestiniens musulmans ». Cette lecture binaire, réductrice et stéréotypée alimente une politique où les voix dissidentes sont non seulement marginalisées, mais aussi criminalisées. L’antisionisme y est systématiquement confondu avec de l’antisémitisme, tandis que la défense des civils palestiniens est assimilée à une apologie du terrorisme.
Et les exemples sont nombreux :
Emilie Gomis, ancienne basketteuse internationale, ambassadrice des JO 2024, a été contrainte de démissionner pour avoir simplement exprimé son soutien aux civils palestiniens. François Burgat, islamologue, a été poursuivi par la justice. La députée Mathilde Panot, l’eurodéputée Rima Hassan ou encore le syndicaliste Anasse Kazib font l’objet de poursuites ou de menaces judiciaires au nom d’un prétendu soutien au « terrorisme », pour avoir dénoncé les crimes commis à Gaza. [3]
Et puis, il y a eu le meurtre. L’assassinat d’Aboubakar Cissé, tué parce qu’il était musulman, parce qu’il se trouvait dans une mosquée. Une mort rapidement traitée, sans émotion nationale, sans déclaration politique forte, sans indignation collective. Une absence de réaction nationale qui interroge sur l’inégalité des émotions publiques.
À tout cela s’ajoute la diffusion récente d’un rapport non étayé, soit disant confidentiel sur les Frères musulmans, examiné par le Conseil de défense. Ce document, largement relayé par la presse, accuse de manière floue et globale un « islam politique » d’agir dans l’ombre des institutions. Il n’est accompagné d’aucune preuve publique, ni d’aucun contradicteur. Mais son effet est immédiat : dans l’imaginaire collectif, les musulmans — ou du moins ceux qui s’expriment, s’organisent et s’éduquent — deviennent suspects par principe. Ce rapport, bien plus que son contenu, agit comme un signal. Il redonne à l’État le droit de suspicion, et aux médias le feu vert pour relancer les procès en sorcellerie.
Ainsi se construit la peur. Une peur diffuse et intériorisée.
Une sidération collective
Face à cette avalanche de mesures, les musulmans vivant en France se taisent. Pas forcément par accord ou par indifférence. Mais par peur.
Une peur qui n’est pas imaginaire : convocation pour apologie du terrorisme après un simple tweet, licenciements…
Elle a le goût amer de cette minute de silence organisée par une enseignante de physique-chimie, suspendue pour avoir osé évoquer, en classe, les victimes civiles des bombardements israéliens. Elle plane sur les décisions préfectorales qui, en octobre 2023, ont interdit des manifestations dans plusieurs villes — Paris, Lille, Strasbourg, Lyon — au prétexte de risques de troubles à l’ordre public, alors même que ces rassemblements étaient déclarés, pacifiques, et encadrés.
Nous avons tous, à un moment ou à un autre, ressenti ce réflexe : effacer une story, ne pas partager une information, éviter un mot. Nous avons commencé à réfléchir non pas à ce qui est vrai ou juste, mais à ce qui pourrait être mal interprété ou instrumentalisé.
Et cette peur — plus profonde encore — de mettre en danger nos enfants, nos proches, nos lieux de culte, nos structures, nos écoles finit par nous figer.
Elle est celle du musulman entrepreneur qui craint une fermeture administrative. Celle du parent qui redoute que son enfant ne soit signalé pour une phrase innocente dite en classe. Celle du responsable associatif qui ne sait plus s’il peut encore inviter un intervenant sans risquer l’interdiction.
Cette peur, justement, n’a pas besoin de se dire pour fonctionner. Elle est intériorisée. Diffuse. Elle circule à bas bruit, et c’est ce qui en fait la force. Elle opère non par la coercition directe, mais par une forme de discipline implicite.
Ce phénomène n’est pas nouveau. Michel Foucault, dans Surveiller et punir, expliquait déjà que le pouvoir moderne ne repose plus uniquement sur la violence visible, mais sur une logique de surveillance permanente. Et cela suffit. Plus besoin de punition publique : c’est la simple possibilité d’être surveillé qui pousse chacun à se surveiller lui-même. À s’autocensurer, à ajuster ses gestes, à se modeler selon ce qui attendu, le contrôle ne vient plus d’en haut – il s’insinue en nous.
« L’individu est devenu le principe de son propre assujettissement. » (Surveiller et punir, 1975)
Et cela fonctionne. Il suffit d’observer les silences devenus la norme. On anticipe le regard du pouvoir. On devient son propre censeur. Et c’est ainsi que s’installe une forme de sidération collective.
Une paralysie visible
Les signes sont partout.
On ne signe plus les pétitions. On ne relaie plus les appels. On ne soutient plus publiquement celles et ceux qui tombent. On ne dénonce plus la violence, l’injustice, on détourne le regard. On ne manifeste plus. Peur d’être associé, fiché, ciblé.
Dans les mosquées, dans les cercles associatifs, la Palestine est devenue un non-sujet. Par peur. Par stratégie aussi. Pour « protéger » et « rassurer ». Mais à force de silence, on finit par devenir complice de ce qu’on redoute. Ce qui devait être une stratégie de protection devient une démission. Nous cessons de dénoncer l’injustice, de condamner le mal, d’exhorter au bien et au juste — pourtant au cœur de notre foi.
Ce basculement, Pierre Bourdieu l’analyse dans son livre « Langage et pouvoir symbolique ». Il décrit des mécanismes invisibles qu’il appelle la violence symbolique, une forme de domination « une violence douce, invisible, souvent inconsciente, exercée sur un agent social avec son propre consentement » [4]. Elle s’exerce donc « avec la complicité de ceux qui la subissent, parce qu’ils ont incorporé les structures de domination » [4]. .
Cette forme de domination ne repose donc pas sur la contrainte directe, mais sur l’intériorisation des normes imposées par le pouvoir.
« La censure que l’on observe dans le langage […] est d’abord une censure exercée par soi-même sur soi-même »(Langage et pouvoir symbolique, p. 226).
On finit par adopter les catégories du dominant. Par parler comme il attend qu’on parle. Par taire ce qui dérange. Et, insensiblement, le langage se neutralise, la pensée se replie, la contestation se dissout.
Cette complicité n’est donc pas un choix conscient. Elle est le fruit d’une socialisation, d’un habitus façonné par la peur du stigmate, de la marginalisation, de la sanction. Ainsi, ce n’est pas uniquement le langage qui est censuré — c’est la pensée elle-même qui se discipline. On anticipe le regard social, on se conforme aux attentes implicites, on se rend acceptable.
Et c’est là que réside la puissance du pouvoir symbolique :
« C’est dans le silence, dans l’évidence, dans l’implicite, que s’exerce le plus efficacement le pouvoir symbolique » [4].
Nous n’avons pas besoin de consignes pour nous taire : nous avons appris à parler à travers les filtres d’une société qui nous apprend ce qui est dicible, tolérable, utile — et ce qui ne l’est pas.
Cette forme de soumission intériorisée n’est pas sans écho dans l’histoire. Frantz Fanon va plus loin. Dans Peau noire, masques blancs, il analyse cette mécanique à l’oeuvre chez le colonisé. Elle est façonnée par un double mouvement : une peur imposée par le système, et intégrée par la psyché. Cette peur, écrit-il, n’est pas simplement l’effet d’une menace extérieure : elle devient un mode d’être.
« Le Noir est possédé par une passion : celle de devenir blanc. […] Plus il s’identifie à l’image que le système colonial a construite pour lui, plus il se perd. » [5]
C’est ce processus qu’il nomme aliénation : être contraint de se penser à travers les yeux du dominant. Être enfermé dans une identité imposée, vivre sous le regard de l’oppresseur, se définir par ses catégories pour espérer, en retour, un peu d’acceptation.
« Le Noir n’est pas un homme, écrit Fanon, tant qu’il porte ce masque. » [5]
Ce diagnostic n’est pas sans résonance pour les musulmans vivant en France aujourd’hui — d’autant que leur présence dans ce pays s’enracine dans une histoire coloniale encore largement refoulée. Le lien entre immigration postcoloniale et gestion sécuritaire des présences musulmanes n’a jamais été pleinement pensé, ni reconnu. Les injonctions à l’assimilation, les soupçons de loyauté, les stigmatisations héritées du passé continuent de hanter le présent.
À l’image de l’homme noir chez Fanon, le musulman en France s’inscrit dans cette même logique. Il se voit sommé de porter un masque rassurant : faire profil bas, gommer ce qui le distingue, adopter les codes dominants dans l’espoir d’être accepté. Mais ce masque est une impasse. Il ne protège pas. Il aliène. Et il finit par entretenir une honte latente de soi, une forme d’auto-dissimulation permanente.
Mais Fanon ne s’arrête pas à ce constat. Il refuse la plainte et la victimisation comme horizon. Il appelle à une prise de conscience politique — une rupture radicale avec les fausses identités, et une reconstruction de soi hors des catégories imposées. Pour lui, la désaliénation passe par la lutte, l’engagement, la parole retrouvée.
« Je ne suis pas esclave de l’esclavage qui déshumanisa mes pères. […] Mon corps m’était rendu, et j’étais le monde. »[5]
Il ne s’agit pas d’opposer une identité victimaire à une autre, mais de se réapproprier une voix libre. Hors des catégories imposées.
Et ce chemin, Fanon nous montre qu’il commence par la conscience.
Par l’acte de voir. Puis de refuser.
Et enfin : de dire.
Une peur légitime ?
Il ne s’agit pas ici d’accuser ceux qui ont peur. La peur est humaine, et parfois même rationnelle. Elle traduit le désir de protéger ce qui nous est cher. L’homme recherche naturellement la tranquillité.
Mais la peur devient destructrice quand elle cesse d’être un signal pour devenir une posture.
Quand elle nous fige. Quand elle nous réduit au silence et nous pousse à nous éloigner de nos principes.
Elle devient pernicieuse quand elle nous fait croire que la sécurité viendra du silence. Quand elle éteint cette étincelle intérieure qui nous reliait à la vérité.
Pire encore : elle devient contagieuse.
Dans certains cercles militants eux-mêmes, Gaza est désormais un sujet tabou. Le risque judiciaire, professionnel, ou simplement social, amène à taire l’horreur — même entre convaincus. On s’autocensure avant même d’avoir été censuré. Petit à petit on cesse de regarder l’injustice en face.
La prudence sans cesse invoquée ne peut devenir un prétexte à la lâcheté. Or ce n’est pas seulement la parole qu’elle éteint : c’est l’élan intérieur, cette étincelle morale qui nous relie au vrai et au bien.
Et cette peur de mettre en danger nos enfants, nos proches, nos structures, finit par nous isoler. Elle nous coupe les uns des autres. Elle étouffe la pensée. Elle désarme l’action.
C’est précisément là que notre foi vient replacer les repères.
Une réponse islamique à la peur
Dans ce contexte, que dit notre foi ? Que faire de cette peur qui serre le cœur, embrouille l’esprit et suspend les actes ?
L’Islam ne nie pas la peur. Elle fait partie de la condition humaine. Même les plus proches du Prophète ﷺ ont eu peur. À Badr, à Uhud, dans la grotte de Thawr, lorsqu’ils étaient traqués, l’angoisse était présente. Mais cette peur, loin de paralyser, devient dans le Coran une occasion de reliance à Allah, une épreuve spirituelle qui appelle un dépassement.
Et le cœur qui s’attache à Allah ﷻ, même tremblant, découvre une paix qui échappe à la logique des circonstances.
« Ceux à qui l’on disait : “Les gens se sont rassemblés contre vous, craignez-les !” — cela augmenta leur foi, et ils dirent : “Allah nous suffit, Il est notre meilleur garant.» (Sourate Âl ‘Imrân, v.173)
Là où la peur nous enferme sur nous-mêmes, la foi nous appelle à l’élan. À la confiance (tawakkul). À la patience active (sabr). À l’endurance et à la loyauté envers la vérité, même si elle coûte.
« Ne vous relâchez pas et n’appelez pas à la paix alors que vous êtes les plus hauts, et qu’Allah est avec vous. » (Sourate Muhammad, v.35)
Notre tradition ne nous appelle pas à chercher les épreuves. Mais elle nous éduque à ne pas nous renier lorsque les épreuves viennent. Elle nous rappelle que le Prophète ﷺ a été insulté, calomnié, isolé, mais il n’a jamais cédé sur le message. Il a été stratégique, oui — mais jamais honteux.
Il ne s’agit pas d’être imprudent. Il s’agit d’être cohérent. De ne pas se renier. De se souvenir que la vérité ne perd jamais de sa valeur — même lorsqu’elle devient coûteuse à dire. Car ce que notre foi nous appelle à préserver avant tout, ce n’est pas notre image — c’est notre âme.
La crainte d’Allah : réorganiser ses peurs
Dans la spiritualité musulmane, la solution n’est pas de ne plus avoir peur. C’est de réorganiser ses peurs.
Le musulman ne cherche pas à être sans crainte, mais à craindre le bon objet. Allah ﷻ est Celui dont la crainte libère, là où la peur des créatures enchaîne.
« Ne craignez donc pas les gens, mais craignez-Moi. » (Sourate al-Mâ’ida, v.44)
La khashya (crainte lucide et révérencielle) d’Allah purifie des autres peurs. Elle recentre. Elle libère du regard des autres, de la recherche de validation, de la peur du déclassement ou de la disgrâce sociale. Elle nous replace face à notre vraie responsabilité : celle d’être cohérents devant Dieu.
Craindre Allah ﷻ c’est se recentrer, c’est retrouver la boussole morale.
C’est par cette crainte-là qu’on retrouve le courage. Pas celui de braver tout, mais celui de ne pas trahir l’essentiel.
Fraternité et courage collectif
Notre tradition ne conçoit pas l’endurance comme un effort solitaire. Dans un hadith, le Prophète ﷺ nous enseigne :
« Le croyant pour le croyant est comme l’édifice, dont les éléments se soutiennent les uns les autres. » (Bukhari et Muslim)
L’un des drames de cette époque est la solitude.
Celle de ceux qui tombent. De ceux qui sont visés. Et de ceux qui n’osent plus les soutenir. C’est en cela que la peur gagne du terrain.
Aujourd’hui, nous sommes seuls face à nos écrans, bombardés d’informations violentes, brutales, angoissantes. L’actualité nous assaille dans notre intimité, s’installe dans notre espace mental sans laisser place au recul.
Les effets cognitifs de cette surcharge sont bien documentés : elle altère notre jugement, renforce le sentiment d’impuissance, crée un état de sidération qui empêche l’analyse et l’action (McNaughton-Cassill, 2001).
Les bulles algorithmiques renforcent encore cette sensation d’asphyxie, en nous enfermant dans des échos d’images similaires, sans possibilité de recul ni de respiration.
Seul face à cette masse, l’individu ne peut tenir.
Et sans espace collectif pour en parler, l’angoisse ne se dilue pas : elle s’accumule.
De nombreuses recherches en psychologie sociale montrent que le soutien social agit comme un modérateur du stress : il réduit l’intensité des émotions négatives et renforce notre capacité à agir (Cohen & Wills, 1985, Social Support and Health). Concrètement, cela signifie que l’information qui nous écrase seuls, peut nous éveiller à plusieurs. Ensemble, elle circule autrement. Elle ne paralyse plus : elle mobilise.
Et cela, nos sources nous l’apprennent.
Notre tradition valorise les cercles d’échange, la concertation, les liens de fraternité, comme autant d’espaces protecteurs, où l’on partage la charge, où l’on se donne le bon conseil et l’on s’élève mutuellement.
Résister à la peur, c’est refuser de laisser tomber ses frères. C’est maintenir des liens solides. C’est bâtir des cercles sûrs où l’on peut parler, réfléchir, agir. C’est renforcer notre lien à Allah — mais aussi entre nous.
Et si la peur nous divise, la foi, elle, nous appelle à resserrer les rangs. À redevenir cette communauté qui se lève ensemble, tombe ensemble, se relève ensemble.
Conclusion : sortir de la peur, entrer dans la foi
Nous sommes à un tournant. Face à l’intimidation, deux chemins s’offrent à nous : le retrait prudent, ou le courage lucide.
L’islam n’appelle ni à l’inconscience, ni à l’imprudence. Mais il interdit que la peur devienne un principe et il appelle à la clarté. Il exige que la justice reste une boussole. Et il nous rappelle que la dignité ne s’achète pas au prix du silence.
La foi n’est pas un juste refuge contre le réel ou un retrait du monde : elle est une force pour affronter les épreuves. Elle ne nous promet pas l’absence de danger mais elle nous arme pour y faire face, sans nous renier.
Il y aura toujours des risques, des difficultés et des épreuves. Il y aura toujours des voix pour nous dire d’attendre, de taire, de faire profil bas. Mais il faudra bien, à un moment, que quelqu’un dise non. Non à la peur comme mode de vie. Non à la résignation comme stratégie. Non à la compromission comme prix de la tranquillité.
Nous devons aujourd’hui choisir la cohérence plutôt que la prudence. La vérité plutôt que l’acceptabilité. La fraternité plutôt que l’isolement.
Ceux qui ont changé le monde ne l’ont jamais fait en étant sûrs d’eux, ou protégés de tout. Ils l’ont fait avec foi, lucidité, courage. Et surtout, en refusant que la peur ait le dernier mot.
Celui qui tient les cœurs tient aussi les issues. Si l’on marche vers Lui avec sincérité, même les chemins les plus étroits peuvent s’ouvrir.
Meriem E.
[1] https://www.amnesty.org/en/documents/eur21/6982/2023/en/
https://www.enar-eu.org/wp-content/uploads/HRD_PositionPaper_2022.pdf
https://www.hrw.org/news/2021/09/27/french-court-confirms-dissolution-anti-discrimination-group
https://www.arabnews.fr/node/51501/france
[3] https://orientxxi.info/magazine/declaration-de-soutien-au-chercheur-francois-burgat%2C8188
[4] Langage et pouvoir symbolique, Pierre Bourdieu
[5] Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon
McNaughton-Cassill, 2001
Cohen & Wills, 1985, Social Support and Health
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