La surconsommation alimentaire

La surconsommation alimentaire à l’ère des tendances tiktok

        Nous vivons à une époque où chocolats Dubai, boissons au matcha, et pâtisseries trompe-l’œil sont au cœur des tendances sur les réseaux sociaux. Consommer ce genre de produits n’est en soit pas condamnable : le goût est une des bénédictions qui nous ont été octroyées par notre Seigneur.
Mais une question se pose : jusqu’où consommer sans en perdre le sens?

Car l’islam ne se contente pas de dire ce qui est permis ; il invite à ce qui élève. Et la surconsommation, même de choses licites, finit par fragiliser ce que la foi appelle à préserver : son corps, son esprit et son cœur.

Selon un article des ministères de l’aménagement du territoire et de la transition écologique, en 2021 la France génère chaque année environ 8,8 millions de tonnes de déchets alimentaires, ce qui équivaut à 129 kg par habitant¹.
Ces chiffres ne sont pas simplement économiques ou environnementaux, ils révèlent notre rapport à la nourriture et par extension à la mesure.

La mesure se perd avec la recherche du gout

         L’islam n’interdit pas le plaisir et en l’occurrence le plaisir alimentaire. Déguster, découvrir et savourer sont même des actes d’adorations s’ils sont accompagnés de la bonne intention.
Mais lorsque le plaisir devient le but de la consommation, et que le consommateur est à la quête du toujours-plus, le sens se perd.

Le Prophète a dit dans un Hadith rapporté par At-Tirmidhi qu’Allah l’agrée:

« Le fils d’Adam ne remplit pas de récipient pire que son ventre. Il suffit au fils d’Adam de quelques bouchées pour redresser son dos. »

Cette parole signifie pour nous que la parcimonie est une protection. Lorsqu’un produit devient presque un rituel, comme son matcha latte du matin, il peut cesser d’être une expérimentation de saveur pour devenir une forme d’attachement et le plaisir originel se banalise.
Redécouvrir la mesure, c’est redonner à chaque bouchée (ou gorgée) sa valeur.
Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la conscience. Manger peu, mais avec reconnaissance envers Ar-Razzaq gloire à lui, est plus nourrissant que de
déglutir beaucoup sans attention.

Ainsi, la modération alimentaire devient un exercice spirituel : un entraînement du corps pour servir la paix intérieure.

Le halal conscient

On à tendance à dire que le mot « halal » signifie simplement « licite » selon les règles jurisprudentielles islamiques. Mais le halal véritable est plus vaste : il donne autant d’importance à la qualité qu’à la conformité.

Allah Exalté soit-il dit dans le Qur’an :

« Ô vous qui croyez ! Mangez des bonnes choses que Nous vous avons attribuées, et soyez reconnaissants envers Allah, si c’est Lui que vous adorez. »
(Sourate Al-Baqarah, verset 172)

L’expression « bonnes choses » (tayyibat) va au-delà de la simple loi. Un aliment peut être licite, mais non bénéfique s’il engendre excès et gaspillage. Ainsi, même en se cantonnant au licite, sans conscience, on peut tomber dans une forme d’insouciance spirituelle.
       Le halal de la conscience implique de savoir d’où provient ce que l’on mange, pourquoi on le mange, et à quel moment s’arrêter. La question n’est plus « est-ce que j’ai le droit de le manger? » mais « est-ce que j’ai raison de le manger? » Il est nécessaire d’évaluer donc la provenance, l’impact sur la planète et la nécessité de cet aliment avant de le consommer.

L’équilibre comme acte de foi

        L’équilibre est un principe central dans notre religion. En effet, Allah Exalté soit-il a dit dans sourat Al-A’raf verset 31 :

«Mangez et buvez, mais ne commettez pas d’excès, car Allah n’aime pas ceux qui commettent des excès.»

    La manière dont nous nous nourrissons reflète notre relation à Dieu. L’excès est un signe de perte de contrôle là où la modération est révélatrice de présence et de maîtrise.
Selon l’Insee, sur cinquante ans, la part des dépenses alimentaires des ménages a diminué de 35 % à 20 % environ², un signe que la relation à l’alimentation change, mais pas nécessairement vers plus de modération consciente.
Apprendre à manger avec conscience, c’est un peu comme s’entraîner au jeûne : on distingue le besoin du surplus, on redécouvre le don derrière
l’assiette. Chaque repas devient une occasion de recueillement, non une simple routine.
C’est en acquérant cette discipline que l’on libère le corps des désirs erratiques et que l’on oriente l’âme vers l’essentiel.

       Revenir à la mesure, c’est donc renouer avec notre vocation de vicaire (khalifah) de la création qu’Allah nous a donnée³ : non pas une vie dominée
par la consommation, mais une vie orientée par la gratitude.
Le croyant adulte apprend à bénéficier des bienfaits d’Allah sans s’y perdre, à jouir de ceux-ci sans transgresser et à préserver une bonne intention.
Alors le plus simple des repas devient un acte d’adoration. Car au fond, la vraie satiété n’est pas celle de la panse mais celle du cœur apaisé, de la conscience éveillée, du souvenir constant de Celui qui nous nourrit sans mesure, Gloire à lui.

Tasnim.

Sources et références :

[1] : « Les déchets alimentaires en France et dans l’Union européenne en 2021 » https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/les-dechetsalimentaires-en-france-et-dans-lunion-europeenne-en-2021
[2] : « Cinquante ans de consommation alimentaire : une croissance modérée, mais
de profonds changements – Insee Première – 1568 » https://www.insee.fr/fr/statistiques/1379769? 
[3] : Qur’an, sourat Al-Baqarah « Et lorsque ton Seigneur eut dit aux anges: Je M’en vais placer un lieutenant sur terre »

 

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